Depuis 2017, le gouvernement français pousse les ménages à diversifier leur épargne et à investir davantage dans l’économie réelle. S’il est resté quatre décennies l’apanage des investisseurs institutionnels et des familles fortunées, le capital-investissement s’ouvre aux particuliers pour répondre à ces deux problématiques.

Pour faire fructifier leur patrimoine, les grandes familles n’hésitent pas à placer leur argent. Et c’est le private equity qui recueille le plus de suffrages. En 2022, les investissements dans les entreprises non cotées ont poursuivi leur progression dans le portefeuille des personnes les plus aisées de France, représentant 21 % de leurs placements selon le baromètre publié en avril par l’Association française du family office (Affo). Il faut dire que si ce type de placement comporte des risques, il se révèle très rémunérateur lorsque l’on parie sur les bons chevaux. Entre 2007 et 2021, le private equity a rapporté en moyenne 12,5 % par an, contre 5,1 % pour le CAC 40 et 6,3 % pour l’immobilier, d’après les données de France Invest et EY. Alors que les entreprises ont de plus en plus besoin de financement et que les Français doivent trouver des moyens de compléter leurs retraites, le capital-investissement ouvre ses portes aux particuliers. Le chemin de sa démocratisation est semé d’embûches mais les premiers résultats s’avèrent encourageants.

Des tickets d'entrée élevés

Pour orienter l’épargne des ménages vers l’économie réelle et faciliter l’accès au private equity, la loi Macron de 2015 et la loi Pacte de 2019 ont levé un certain nombre de freins réglementaires. Pourtant, au niveau national, le capital-investissement ne représenterait aujourd’hui qu’entre 0,1 % et 0,4 % du patrimoine des Français. Les personnes fortunées sont toujours les plus grands utilisateurs de ces placements qui se sont développés au sein de l’Hexagone dans les années 1980. "Au départ, il s’agissait d’une classe d’actifs réservée aux investisseurs institutionnels ou aux privés fortunés, avec des tickets d’entrée de l’ordre de 100 000 euros, explique Adeline Lemaire, directrice exécutive fonds de fonds chez Bpifrance. Nous étions alors très loin d’un produit démocratique. Nous avons amorcé une réflexion dès 2017 sur le double constat que les bonnes performances dans la durée du private equity et le fait qu’il finançait l’économie réelle pouvaient être une solution pour l’épargne des Français."

Entre 2007 et 2021, le private equity a rapporté en moyenne 12,5 % par an, contre 5,1 % pour le CAC 40 et 6,3 % pour l’immobilier

Quand le capital-investissement a commencé à se populariser, les tickets d’entrée restaient très élevés et les particuliers n’avaient pas accès aux fonds les plus rentables. "Les meilleurs élèves de la classe du private equity ne s’intéressaient pas au retail, souligne Frédéric Stolar, cofondateur d’Altaroc qui développe depuis trois ans une offre destinée aux particuliers. Avoir des gros tickets chez les institutionnels leur suffisait pour collecter leurs fonds, qui sont généralement tous sursouscrits."

Pédagogie

Fonctionnant très bien avec quelques gros clients privés ou institutionnels, les fonds ne voyaient aucune raison de se lancer dans l’offre aux plus petits épargnants, qui nécessite de déployer du personnel en masse pour répondre aux questions et de monter des systèmes informatiques dédiés et donc coûteux. "Il faut des outils et des infrastructures digitales pour servir le private equity retail. Avant l’arrivée d’acteurs comme nous, les briques et l’infrastructure n’existaient pas car personne n’en avait besoin", note Frédéric Stolar. Pour gérer les investissements et ses 6 000 investisseurs, le cofondateur d’Altaroc a recruté 40 personnes. Constitué de 5 personnes, son call center répond à pas moins de 1 500 questions par mois ! "Si on n’assurait pas ce service, les particuliers et leurs CGP/family offices/ banques privées ne seraient pas à l’aise car ils ont encore besoin d’être rassurés sur les détails de fonctionnement d’une classe d’actifs nouvelle", précise-t-il.

C’est pour ces raisons que Bpifrance s’est adossée à d’autres acteurs pour l’aider à gérer les fonds qu’elle a montés ces trois dernières années. La banque publique a même poussé la pédagogie plus loin. Pour ses deux premiers véhicules, elle a proposé un horizon d’investissement plus court que la normale (6 à 8 ans contre 10 ans) afin d’éviter aux particuliers de voir leur investissement passer par la phase la plus critique. "Nous avons fait une opération dite secondaire, laquelle a permis à des personnes privées d’avoir accès à un portefeuille qui avait passé le bas de la courbe en J (les premières années, la courbe se creuse car les investissements n’ont pas encore porté leurs fruits. Elle remonte ensuite progressivement)", poursuit Adeline Lemaire. Pour son troisième fonds – actuellement en cours de collecte –, Bpifrance a lancé une opération primaire. Les placements seront immobilisés pendant 10 ans mais la banque publique met un point d’honneur à bien informer sur toutes les spécificités du private equity.

Long terme

Car le capital-investissement n’est pas un placement liquide. Pour financer des entreprises et de les aider à croître, les fonds prévoient un horizon de temps suffisamment long. Que ce soit pour des start-up, des sociétés en phase de croissance ou des entreprises qui battent de l’aile. Afin de donner malgré tout l’accès au private equity à ceux qui le souhaiteraient mais voudraient pouvoir disposer de leur capital à n’importe quel moment, les placements peuvent se faire à travers l’assurance-vie. Altaroc a ainsi développé l’offre AltaLife qui permet aux particuliers de bénéficier de cette "dérogation".

"Pour booster sa performance, il faut accepter qu’une partie de son portefeuille ne soit pas liquide"

AltaLife offre la possibilité de mettre des petits tickets (à partir de 5 000 euros chez certains assureurs) alors que pour les fonds Altaroc le ticket d’entrée est affiché à 100 000 euros répartis sur cinq ans. Un montant certes important mais dérisoire au regard des quelques millions d’euros auparavant nécessaires pour diversifier son patrimoine. D’autant qu’Altaroc promet l’accès au meilleur fonds au monde, la société de gestion en sélectionnant six par an sur les 5 000 existants. Des produits qui affichent en moyenne plus de 20 % de rendement annuel au sein de fonds d’investissement qui dépassent les 20 ans d’existence. "Nous concevons ‘un menu dégustation’. Les particuliers n’ont qu’à savourer les plats sans avoir à choisir tous les ingrédients eux-mêmes ni se demander ce qu’il y a dans le détail de nos recettes", commente Frédéric Stolar. Et d’ajouter : "Ce qui ne nous empêche pas d’être ultra transparents : toutes les informations concernant les investissements sont mises à jour en permanence sur notre site internet." Le gérant indique d’ailleurs mettre personnellement chaque année au pot 33 millions d’euros dans ses produits avec l’autre fondateur de la société, Maurice Tchénio.

Rendements et risques

De son côté, Bpifrance propose des tickets défiant toute concurrence : 5 000 euros pour son premier fonds, 3 000 pour le deuxième et 1 000 pour l’actuel. Concernant ce dernier, le rendement cible (TRI net) s’élève à 8 %. "Alors que les marchés boursiers rapportent entre 4 % et 5 % par an et que l’inflation s’établit aujourd’hui entre 7 % et 8 %, on voit bien que les produits cotés liquides ont des limites de performances, commente Frédéric Stolar. Pour booster sa performance, il va falloir accepter qu’une partie de son portefeuille ne soit pas liquide." Les particuliers sont avertis puisque pour investir ils doivent répondre à un certain nombre de critères et être informés des contraintes comme pour n’importe quel placement qui présente un risque de perte en capital. Afin de diversifier son patrimoine, Altaroc préconise d’en consacrer 10 % au private equity. Les Français ont encore de la marge mais le potentiel est colossal quand on sait que leur épargne tourne autour de 6 000 milliards d’euros.

Soutenir les entreprises

"Nous sommes au début du chemin. Un certain nombre de sociétés de gestion et de banques privées ont commencé à commercialiser des produits similaires", note Adeline Lemaire, précisant que Bpifrance, qui propose pour le moment les fonds en direct via sa plateforme, noue des partenariats avec des conseillers en gestion de patrimoine et des assureurs afin qu’ils puissent distribuer les produits. "Le private equity est un outil formidable de transformation de l’économie. Il permet à des entreprises de passer un cap en apportant de la valeur ajoutée grâce à l’accompagnement des fonds, au-delà de l’aspect financier." De quoi donner du sens à son épargne.

Olivia Vignaud

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