Il n’est plus rare d’assister, désormais que la crise sanitaire est derrière nous, à un rappel des troupes de certains dirigeants, pour des raisons parfois farfelues. Productivité, sens du collectif, sérendipité… Tous les arguments sont bons, du moment qu’ils ne sont pas quantifiés. Alors où en est-on du télétravail ?

Dans un souci de clarification et pour ménager le suspense, la réponse à la question soulevée dans le titre est non. Si certains acteurs de l’immobilier de bureaux espérent son abolition, si des dirigeants et managers l’appellent de leurs vœux, la révolution du monde du travail post-Covid, les nouvelles aspirations des salariés et la faiblesse du taux de chômage tendent à confirmer une tendance : le télétravail devrait se prolonger. Une étude de la Société Foncière Lyonnaise, en partenariat avec l’Ifop, tente d’illustrer les derniers bouleversements du monde du travail, d’en analyser la portée et de dessiner le bureau du futur.

À l’équilibre

L’étude nous apprend que pour 50% de l’ensemble des salariés interrogés, le bureau est "uniquement un lieu de travail où ils préfèrent passer le moins de temps possible" quand l’autre moitié l’envisage comme "un lieu de travail mais également un lieu où ils aiment passer du temps". Au-delà de cet équilibre, le graphique semble vouloir souligner l’affection croissante des employés pour leur bureau, le ratio s’établissant à 62%/38% en 2019. Plus loin, une slide met en avant la fréquence idéale de télétravail en jours par semaine. Celle-ci s’établit à 2,3 jours en 2023 contre 2,2 en 2022 et 1,5 jour en 2020. Si les salariés adorent leur lieu de travail, ils paraissent apprécier également de n’y être que la moitié de la semaine. Ces chiffres nécessitent, en outre, d’être nuancés par les politiques propres à chaque entreprise, notamment vis-à-vis du rythme qu’elles imposent ou autorisent. En tout état de cause, ce regain d’amour pour le bureau ne doit pas être totalement décorrélé de l’avènement du télétravail. Le bien-être au travail progresse également et, là encore, il semble difficile de le détacher complètement de la perspective de se trouver moins sur son lieu de travail.

Ce n’est pas tant la flexibilité physique qui est recherchée qu'une forme de souplesse managériale

En équilibre

Si le retour au bureau semble gagner du terrain en France, la presse se faisant le relais de chaque entreprise qui rappelle ses employés en présentiel, il n’est aujourd’hui défendu que par quelques dirigeants et probablement regretté par la majorité de leurs salariés. Ce sursaut présentiel n’est en tout cas pas un plébiscite pour le bureau sinon le sifflement de la fin de la récréation des quelques sociétés qui n’ont pas réduit leurs espaces de travail et qui, dans le télétravail, retiennent plus naturellement "télé" que "travail". Probablement les mêmes qui se prévalaient de l’autoriser avant la pandémie. Cette révolution professionnelle qui a permis d’ôter le terme métro de l’infernal triptyque métro/boulot/dodo, et fait de la machine à café le paroxysme de la vie sociale, devrait perdurer dans un marché du travail concurrentiel qui autorise les candidats à exiger de n’être pas en permanence à leur poste de travail. L’étude de la Société Foncière Lyonnaise met en lumière cette volonté, la possibilité de faire du télétravail étant devenue un critère de choix pour 73% des interrogés contre 66% en 2020. Dans le même temps, les salariés "ont la hantise d’être contraints dans leurs choix" et 65% des salariés franciliens estiment probables les chances d’être obligés de télétravailler plusieurs fois par semaine dans dix ans bien que 60% ne trouvent pas cela souhaitable. Comme le souligne Dimitri Boulte, directeur général de SFL, en introduction de l’étude : "Chassons d’emblée un malentendu : la question n’est pas tant celle du télétravail, dont le rythme semble stabilisé à 2,3 jours par semaine, mais bien celle de la liberté."

Ce n’est donc pas tant la flexibilité physique qui est recherchée qu'une forme de souplesse managériale. Et la détermination de certaines entreprises à sonner le glas du télétravail, quand d’autres font le choix de la semaine de quatre jours, ressemble plus à un recul qu’une avancée. Sauf pour les bailleurs

Alban Castres