Ce n’est pas vraiment une surprise au vu des problèmes qui s’accumulent depuis plusieurs années, mais WeWork, le géant américain du coworking, a finalement déposé le bilan. La fin d’une saga qui laisse planer des doutes sur les très nombreux actifs de l’entreprise.

Créé en 2010 par Miguel McKelvey et le fantasque Adam Neumann, WeWork a connu une ascension aussi fulgurante que sa chute fut violente. Tout avait pourtant bien commencé. Avec ses locaux trendy et une ambiance qui rompait avec les classiques open spaces, WeWork avait popularisé le coworking. Grâce à un développement rapide, la start-up s’est installée dans 39 pays et dans un peu moins de 800 sites dans le monde. Cette expansion s’accompagnant d’une frénésie d’achats et d’investissements en tout genre.

Devenu une licorne en 2014, WeWork avait été introduit en Bourse en 2019, avec une valorisation de 47 milliards de dollars.

Une entreprise surévaluée

Ironiquement, ce qui aurait dû être le point d’orgue de la compagnie fut surtout le début de la fin. Adam Neumann se verra débarqué quelques mois plus tard à cause de sa gouvernance chaotique et d’un nombre croissant de scandales autour de la culture de l’entreprise. Pour ne rien arranger, les finances de l’entreprise se sont révélées bien plus fragiles que prévu, avec notamment un endettement massif et un business model qui peinait à faire des profits. Moins d’un an après son entrée en Bourse, WeWork n’était plus évalué qu’à 7 milliards de dollars et a dû licencier 20 % de ses effectifs avant d’être renfloué par le japonais Softbank.

Sans surprise, l’arrivée du Covid et l’explosion du télétravail ont fondamentalement bouleversé le modèle de la compagnie qui a lentement, mais sûrement continué à réduire la voilure ces trois dernières années. Fermetures de sites et plans sociaux se sont multipliés tandis que les bailleurs revoyaient leurs loyers à la baisse.

Le couperet est finalement tombé le 7 novembre quand la société a déposé le bilan aux États-Unis, avec près de 19 milliards de dollars de dettes…

Le cas de WeWork dans l’Hexagone

En France, WeWork est l’un des poids lourds du secteur du coworking. La quinzaine d’espaces que la start-up exploite, dont le dernier a ouvert au début de l’année, ne sont pour le moment pas directement concernés par la faillite de la maison mère : les filiales européennes fonctionnent pour le moment normalement, mais elle est possible d’une manière ou d’une autre dans le futur.

Si, pour le moment, les locataires des espaces de coworking ne sont donc pas immédiatement touchés, des négociations avec les bailleurs pour diminuer loyers et charges sont en cours. Négociations qui, si elles échouaient, provoqueraient des ruptures de baux similaires à ce qui se déroule aux États-Unis.

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En pratique toutefois, on remarque en Île-de-France un ralentissement de l’activité du coworking. Selon le dernier état des lieux du marché publié en novembre par Knight Frank, les volumes placés ont chuté de 58 % en un an, pour revenir peu ou prou aux volumes de 2016. L’effet rattrapage post-Covid est donc terminé. Parmi les autres tendances marquantes, on remarque un changement de la typologie des espaces loués et un retour en grâce des moyennes surfaces (< 5000 m2) qui représentent 68 % des transactions. L’ère des très grandes transactions, portée entre autres par WeWork, Wojo ou Kwerk, semble donc toucher à sa fin.

Knight Frank remarque également une augmentation du nombre d’acteurs, certains comme Morning talonnant même WeWork dans la région. Cette diversification montre donc que le marché est loin de reposer uniquement sur le géant américain.

Des acteurs du secteur sereins

D’une manière plus large cependant, les différents acteurs du secteur ne semblent pas particulièrement inquiets. Si WeWork a en effet eu un grand rôle dans la popularisation du coworking, le marché lui-même se porte bien. Victor Carreau, CEO de Comet, déclare ainsi : ''En tout état de cause, si WeWork a marqué le début d’une ère, sa faillite n'entame pas le marché car ce dernier est désormais structuré et mature avec une pluralité de modèles, de gammes, etc.''

C’est l’absence d’exemplarité administrative et financière qui a clairement mené à la faillite de WeWork. Les acteurs plus vertueux devraient logiquement gagner en attractivité.

''À très court terme, est-ce que certains de leurs clients vont préférer chercher une solution pérenne et fiable par crainte de nouveaux développements judiciaires ? Probablement. Nous avons d'ailleurs déjà été approchés par des clients résidant chez WeWork et étant intéressés par notre tout nouveau Comet Workplace.'' ajoute Victor Carreau.

Si l’aventure WeWork parait donc compromise aux États-Unis, le coworking d’une manière générale semble donc toujours avoir un avenir en France et ailleurs.

François Arias