S’adapter ou mourir, voilà ce à quoi l’IA contraint les entreprises. Dans le domaine de la traduction et pour Toppan Digital Language, ce n’est pas une nouveauté. Quelques pistes dont tous les secteurs gagneraient à se saisir.  

Au-delà de l’affolement inspiré par ChatGPT, gageons sur ces outils d’IA générative, notamment ceux de traduction. Que celui qui n’a jamais copié-collé un paragraphe dans Reverso ou Google Trad se dénonce. L’abondance des offres de traduction en libre-service a incité les sociétés spécialisées vers une technicité plus aboutie. Créée en 2022, la société Toppan Digital Language se spécialise dans la traduction de textes techniques professionnels, dont les prospectus d’IPO ou de fonds d’investissement ; rapports annuels, commentaires de gestion et tout type de contenus juridiques et financiers. De plus en plus de documents traduits découlent de machine translation, c’est-à-dire d’algorithmes entraînés sur de larges corpus de textes en guise de base de données. "À intégrer le machine translation dans l’offre de service, on devient beaucoup plus précis et plus rapide lors de missions d’envergure, particulièrement celles techniques", explique Sébastien Cacioppo, directeur de développement senior. "Un dossier de blanchiment pour une banque européenne par exemple, se souvient-il, l’utilisation d’IA permet un premier tri et d’accélérer la mise à disposition des documents traduits."

"À intégrer le machine translation dans l’offre de service, on devient beaucoup plus précis et plus rapide"

Et dire que la plupart des sociétés de traduction avaient fait de la résistance face au machine learning. Désormais, elles éduquent les sociétés qui ne font pas confiance à l’IA. De moins en moins de prestataires de traduction omettent le machine translation dans leurs devis. Tous se focalisent sur la relecture pour s’assurer de la qualité du résultat final.

Profond salut

En matière de traduction, l’arrivée du site DeepL marque un tournant. Le libre-service de traduction se caractérise par son IA générative rapide, précise, mais aussi interactive. À ses débuts, il collectait les textes juridiques européens et alignaient les différents textes pour se nourrir de ces contenus. L’amélioration progressive de ses résultats lui vaut une réputation d’excellence, notamment sur des textes juridiques.

DeepL a-t-il remplacé le traducteur ? Non. "Il ne fait qu’aller plus vite et remplacer des processus plus coûteux", étaye Sébastien Cacioppo. Pour lui, les outils de Toppan Digital Language, s’ils ne remplacent pas le traducteur, exigent une fonction différente. "Le rôle de l’humain devient sa capacité à gérer la machine et s’assurer que ce qui sort est juste. L’apport des traducteurs restera important." C’est d’autant plus le cas dans des prospectus, où la terminologie demeure très précise et la formulation des clauses correspond à la réglementation juridique et financière.

Dans l’ombre du Shadow IT

L’utilisation de ressources numériques non approuvées par le département informatique, le Shadow IT, ne date pas d’hier. D’aucuns ajoutent que si l’on avait attendu que les DSI donnent leur blanc-seing, les e-mails professionnels circuleraient encore par pigeon voyageur. Tout nouveau système comporte un risque. Mais on n’arrête ni le progrès ni l’envie du moindre effort. Les injonctions entre collègues sont passées de "Mets le contrat dans DeepL" à "Demande à ChatGPT ". Une pratique tout aussi déplorable en matière de confidentialité des données. Certes, une option permet dorénavant de ne pas enregistrer ses recherches. Un choix qui, au passage, appauvrit l’algorithme. Désormais, celui-ci se fonde de plus en plus soit sur l’information jugée non sensible ou les requêtes d’utilisateurs trop peu méfiants. Ce qui, a priori, n’est pas un gage de qualité. Surtout en grande quantité.

On n’arrête ni le progrès ni l’envie du moindre effort

Question d’entraînement

D’où l’intérêt de travailler avec une société, ou, a minima, quelqu’un en mesure de signer un accord de confidentialité, dit NDA ("Non disclosure agreement"). Les solutions professionnelles s’assurent que la machine peut être basée sur du contenu propriétaire, et peut aller jusqu’à créer un moteur de machine translation personnalisé, sécurisé et adapté à chaque client. "Un algorithme peut être entraîné à partir d’un million de mots source minimum, précise Sébastien Cacioppo. Plus il y a de contenu, plus l’algo va s’affiner."

Toutes industries confondues, ce n’est qu’en s’appropriant les bons outils que les entreprises résisteront au test du temps. L’IA ne fait pas exception. Pierre-Emmanuel Dumouchel parle de "darwinisme à haute échelle". Ce docteur en mécanique a fondé DessIA, une plateforme d'ingénierie générative. Ce prestataire, pour des industriels tels qu’Airbus, Renault et Alstom, se concentre sur l'automatisation pour l'ingénierie. "On n’est plus sur un fil linéaire de connaissance d’entreprise, affirme-t-il. L’IA assiste à la structuration du savoir." Si la traduction, et dans une certaine mesure l’élaboration d’un prospectus, peut être produite par une IA, celle d’un raisonnement lui échappera. À nous d’œuvrer aux côtés de la machine et, peut-être, lui insuffler un peu d’humanité. Vaste programme.

Alexandra Bui

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