Dix-huit mois après son entrée en vigueur, la Loi sur la Respoabilité Environnementale(1) (LRE) n’a pas encore reçu d’application concrète. Néanmoi, le risque est bien réel pour les entreprises de devoir réparer les dommages causés à l’environnement par leu activités selon une méthode inédite.

Dix-huit mois après son entrée en vigueur, la Loi sur la Responsabilité Environnementale(1) (LRE) n’a pas encore reçu d’application concrète. Néanmoins, le risque est bien réel pour les entreprises de devoir réparer les dommages causés à l’environnement par leurs activités selon une méthode inédite. Elles sont donc confrontées à de nouveaux risques, qui accroissent leurs besoins en assurance.

Plusieurs dispositions du Code de l’environnement permettent déjà la mise en œuvre de mesures de prévention ou de réparation des atteintes à l’environnement(2), outre les nombreuses sanctions pénales prévues en cas de non-respect de la réglementation applicable. Par ailleurs, les dommages causés aux tiers par la pollution peuvent être réparés sur le fondement du droit commun de la responsabilité civile. Un courant jurisprudentiel récent, illustré par le jugement sur l’Erika, reconnaît même que le préjudice causé à l’environnement lui-même (préjudice écologique dit pur ou objectif) peut faire l’objet d’une indemnisation au profit de tiers. Cette jurisprudence est toutefois fortement contestable dans la mesure où le caractère direct et personnel de ce préjudice est discutable, l’environnement n’étant pas susceptible d’appropriation. La décision qui doit être rendue par la Cour d’appel de Paris dans l’affaire de l’Erika en mars prochain pourrait changer la donne et est attendue avec intérêt.
Au regard de ces éléments, on peut donc se demander quels sont les apports de la LRE.

L’extension des pouvoirs du préfet.

En premier lieu, la LRE accroît considérablement les activités qui sont susceptibles de donner lieu aux pouvoirs de police du préfet.
Ainsi, les activités « dangereuses »(3)  vont bien au-delà des activités ICPE. Elles couvrent notamment les activités de transport, ce qui pourrait sensiblement augmenter le risque de responsabilité des entreprises pratiquant cette activité, et partant, leurs besoins en assurance. En ce qui les concerne, les pouvoirs du préfet sont extrêmement étendus : il peut en effet intervenir pour tous dommages causés à l’environnement (sols, eau et biodiversité), sans avoir à démontrer l’existence d’une faute de l’exploitant ou d’une violation des arrêtés autorisant l’exploitation car la responsabilité est présumée.

Toutes les activités non définies comme dangereuses peuvent également être soumises à l’autorité du préfet : il n’y a aucune liste limitative de sorte que le champ d’intervention du préfet devient illimité. Toutefois, à l’inverse des activités dangereuses, la réparation qui peut être imposée sur le fondement de la LRE ne concerne que les dommages à la biodiversité, et non les dommages aux sols et à l’eau. Le préfet doit en outre établir la faute de l’exploitant, en lien de causalité direct avec la pollution.
Désormais, toutes les entreprises sont donc susceptibles d’être exposées aux risques environnementaux.

Un régime de réparation original.

En second lieu, le régime de réparation instauré par la LRE ne concerne plus seulement les espaces naturels et l’eau, mais également la biodiversité (entendue comme les espèces et habitats sauvages ou protégés, ainsi que les sites de reproduction et aires de repos de ces espèces).

Concernant les dommages affectant l’eau et la biodiversité, la réparation ne vise pas la simple dépollution, mais bien la compensation en nature de l’atteinte causée à l’environnement. Il s’agit là d’une technique de réparation inédite, qui comporte trois volets : la réparation primaire, qui doit permettre un retour à l’état initial des ressources naturelles et de leurs services écologiques ; la réparation complémentaire, qui consiste en une compensation par équivalent en nature des dommages définitivement causés à l’environnement, le cas échéant sur un autre site ; et la réparation compensatoire, qui consiste en une compensation par équivalent en nature, le cas échéant sur un autre site, des dommages causés entre la date du dommage et la date à laquelle les réparations primaire et /ou complémentaire auront produit leurs effets.
Cette réparation en nature, qui ne se limite pas aux seules mesures de dépollution, expose ainsi les entreprises à une inflation significative du coût des accidents causés par leurs activités.

La coexistence des différents régimes.

Dans la mesure où l’atteinte causée à l’environnement devrait ainsi être intégralement réparée, la LRE pourrait mettre un terme à la jurisprudence de l’Erika, faute de dommages à indemniser et donc d’intérêt à agir pour les tiers.
Pourtant, plusieurs éléments doivent conduire à nuancer ce propos.
Le champ d’application temporel de la LRE est en effet limité aux faits générateurs postérieurs au 30 avril 2007 et résultant d’une activité toujours en cours à cette date. On peut donc penser que, dans un premier temps, la LRE s’appliquera essentiellement aux pollutions accidentelles, dont le fait générateur est facilement déterminable, et non aux pollutions latentes, dont le fait générateur est toujours difficile à dater.

En outre, le champ d’application matériel de la LRE est limité aux dommages causés aux sols (à condition de présenter un risque pour la santé), à l’eau, à la biodiversité et aux services écologiques, à condition toutefois qu’ils présentent un certain degré de gravité. Si le seuil de gravité n’est pas atteint, le droit commun trouvera à s’appliquer.

Enfin, les préjudices objectifs à l’environnement restés en dehors du champ d’application de la LRE (notamment les dommages causés à l’eau et aux sols par une entreprise dont l’activité n’est pas dangereuse) pourraient continuer à être réparés sur le fondement de la jurisprudence de l’Erika, si celle-ci devait être confirmée.
Au surplus, les dommages subjectifs causés aux tiers, qui sont exclus du champ d’application de la LRE, seront toujours réparés sur le  fondement du droit commun de la responsabilité civile.
Quelles que soient leurs activités, les entreprises doivent donc prendre conscience de l’accroissement des risques environnementaux auxquels elles sont soumises et adapter en conséquence leur gestion des risques, notamment par le biais d’une couverture d’assurance suffisante. Les travaux de la Commission européenne sur ce point, attendus courant 2010, pourraient d’ailleurs conduire soit à une obligation d’assurance soit à une garantie financière obligatoire.

 

1 Loi n°2008-757 du 1er août 2008, transposant la directive 2004/35/CE du 21 avril 2004
2 Notamment Articles L211-5 (eau), L331-19-1 et L332-22-1 (espaces naturels), L222-6 (air), L511-1 et s. (ICPE) du Code de l’environnement
3 Cf Art. R162-1 C.envir.

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