Dans un contexte de profondes transformations des structures hiérarchiques, des nouveaux enjeux de responsabilisation émergent. Comment le manager doit être à la fois joueur et arbitre ?

Ah cette nouvelle mode de la DG, des projets transverses, des équipes plus autonomes et responsables, c’est facile à dire mais à manager au quotidien, c’est autre chose… »

Une fois de plus, combien de fois avons-nous entendu ce genre de phrase en debrief, en coaching ou à côté de la machine à café ? Voici une problématique quotidienne d’un manager de proximité.

L’implémentation des plans stratégiques désormais effectuée partout en mode projets implique des structurations d’équipes plus souples et des pratiques managériales revues : il s’agit d’inciter à mieux responsabiliser les équipes, leur permettre de « libérer » leurs idées, leur créativité et leurs recommandations, d’obtenir des cycles de décisions plus courts et d’être globalement plus efficace.

Droit à l’erreur et autonomie sont valorisés, en espérant que cela renforcera l’engagement des collaborateurs, mais les conséquences organisationnelles sont multiples. Dans un pays comme la France où le poids de la hiérarchie est traditionnellement très important, ces nouvelles notions peuvent créer des paradoxes comme celui-ci : pour avoir des collaborateurs autonomes et plus responsabilisés, il est nécessaire de déployer plus de management.

Quand autonomie rime avec plus de management de proximité

Les aspects bénéfiques généralement évoqués lors de ces transformations, recherche d’efficacité et volonté d’accélérer les processus, ont conduit plusieurs entreprises à lancer une remise à plat des structures hiérarchiques :

- suppression de strates managériales,

- répartition des collaborateurs expérimentés entre des compétences de manager, de directeur de projets ou d’expert

- organisation par sujets clés et non plus par business line (exemple : marketing/relation-expérience client, digitalisation des process & efficacité opérationnelle, data et analytics & cybersécurité…)

Mais ces principes qui semblent souvent cohérents à tous au début se heurtent à une conduite du changement autrement plus complexe.

Pour les cadres concernés en effet, c’est une véritable révolution car pour beaucoup la reconnaissance passait en priorité par la promotion en tant que manager d’équipe ou de business line. La diminution du nombre de postes managériaux liée à ce genre de réorganisation est susceptible d’être perçue comme une limite à leur progression.

Par ailleurs, tous ceux qui étaient habitués à valider chaque étape de la décision et de son exécution, à être le relais de toute information provenant de la direction peuvent ressentir une perte de sens dans leur métier. Coincés entre le marteau et l’enclume, autant de doutes ou d’inquiétude qui aimeraient s’exprimer sachant que la pression sur le manager en termes de respect des budgets, des délais et livrables divers reste entière voire renforcée !

Dans ce contexte, le manager a un impact important car c’est à lui de réguler les initiatives et contributions de chacun afin de maintenir efficacité et cohérence.

Autonomie et responsabilité

Car si l’autonomie traduit une certaine liberté d’expérimenter, le fait d’exprimer plus facilement ses choix et réflexions et de se sentir responsable au sens « ownership », ce n’est pas l’isolement, l’indépendance, le fait de travailler « sans filet » ou sans soutien et faire ce que l’on veut.

Le manager va accompagner les différentes étapes de cet apprentissage. Il s’agit d’atteindre les objectifs grâce à une vision partagée, des discussions consensuelles, de la co-construction et de la coopération, le manager sera le garant de la cohérence et du contrôle nécessaire à l’avancement du projet. Il fera en sorte que chacun trouve sa place dans un va-et-vient subtil entre intérêt personnel et collectif.

Son rôle sera clé quant à :

- la diffusion de méthodologie et des valeurs nécessaires à partager (transparence, confiance)

- la mise en avant des initiatives, des réussites

- le respect des règles du jeu et la gestion des éventuels conflits ou points de tensions

- le développement de la coopération entre équipes projets facilitant une vision plus globale.

Exemplarité et courage managérial

C’est aussi, pour lui, une belle occasion d’exemplarité et de courage managérial.

Sur ces sujets d’organisations comme sur tant d’autres, les orientations stratégiques sont souvent faciles à expliciter mais leur diffusion est autrement plus complexe. Au-delà du fait de donner la vision, le sens de l’action, la définition des outils et moyens qui seront mis à disposition, dans des contextes incertains, le courage managérial permet d’avancer avec plus de confiance face à des difficultés ou pour relever de nouveaux défis.

Ces nouveaux comportements managériaux pourront prendre plusieurs formes :

- Faire un feedback formateur et savoir en demander

- Oser dire les choses et recadrer avec assertivité

- Définir les attentes et savoir transmettre

- Fixer des règles du jeu sans laisser dériver les comportements hors-jeu

- Déléguer et perdre une partie de maîtrise tout en restant co-responsable du résultat

- Développer des comportements de coopération

- Se pousser à sortir de sa zone de confort…

Pour le manager c’est autant de qualités à exprimer en termes de communication, d’écoute et de gestion des ambiguïtés.  Un accompagnement dédié facilitera cette conduite de changement structurel et sera plus que bienvenu. Pour l’aider en ce sens, il pourra disposer d’aide et d’outils lui permettant de renforcer son impact, sa légitimité et son influence, y compris en ayant une meilleure maîtrise des récompenses (notamment financières) destinées aux collaborateurs ce qui n’est pas toujours le cas.

Redéfinir le parcours manager autour de la fonction manager coach, préciser les carrières en intégrant les passerelles possibles, bref, le changement culturel reste à inventer !

Les méthodes de soutien et d’accompagnement individuel ou collectif sont tout à fait adaptées à ces transformations car elles facilitent les bonnes postures et contribuent à de meilleures techniques de communication. Elles permettent au manager de mieux connaître ses propres modes comportementaux, d’identifier ses ressources, ses limites, ses filtres et biais de perception afin d’en tenir compte pour mieux répondre aux besoins de son équipe. C’est aussi un bon moyen de retrouver du sens dans son action.

« Sans mot à dire sur la stratégie, je retrouve une vraie liberté dans la mise en œuvre ; j’identifie mieux ma valeur ajoutée personnelle sur l’esprit d’équipe et la motivation de mes collaborateurs… » nous confie un responsable.

C’est dans la gestion des situations difficiles et le changement que l’on reconnaît le bon manager qui contribuera par son comportement à donner un avantage concurrentiel fort à son entreprise.

Confiance, courage, responsabilisation… finalement tout l’art d’être à la fois joueur et arbitre ! 

Denis Marcadet et Corinne Orémus

Vendôme Associés

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