Devenu de facto le patron de la gauche, le chef Insoumis ne cache pas son ambition : Matignon. Une stratégie audacieuse qui pourrait servir les intérêts d’Emmanuel Macron dans le cadre des législatives.

Les Insoumis ne manquent pas de génie stratégique. Remontons quelques mois en arrière, période où Jean-Luc Mélenchon était à la traîne dans les sondages, notamment à cause de sa personnalité perçue comme clivante et ombrageuse. Sa parade ? "Je suis comme je suis, je ne changerai pas, mais vous votez pour des idées plus que pour une personne." Un joli coup, le programme de L’Avenir en commun étant plus complet et plus travaillé que celui des autres forces de gauche. Peu à peu, grâce à une machine partisane organisée, professionnelle et disciplinée, l’autoproclamée "tortue sagace" est montée en puissance, s’est imposée comme le vote utile à gauche et est parvenue à séduire de nombreux abstentionnistes. Jusqu’à atteindre le score de 21,95 %.

Désormais, l’ancien socialiste aborde les législatives en position de force. C’est autour de lui que la gauche tente de se recomposer pour regagner de l’influence au Palais-Bourbon. Socialistes et Verts vont à Canossa et se soumettent. Depuis quelques jours, la confiance est telle qu’il commence à se positionner comme premier ministre. Habile à plus d’un titre : il contraint les autres forces de gauche à le reconnaître comme leader, il transforme sa troisième place en victoire et les législatives en troisième tour. De quoi inquiéter la Macronie qui souhaite conserver sa majorité ? Pas si sûr.

Comme Valéry Giscard d’Estaing en 1978, Emmanuel Macron pourra utiliser la carte du "péril rouge" pour garder sa majorité

Pour Emmanuel Macron, cette stratégie est du pain béni. Son camp ne se privera pas d’agiter la menace d’une gauche "islamogauchiste", "sectaire", "amish", "pastèque", "communautariste" au pouvoir. En son temps, Valéry Giscard d’Estaing avait abattu cette carte pour conserver sa courte majorité. Son discours de Verdun-sur-le-Doubs, en janvier 1978, agitait la peur de l’application du programme commun PS-PCF et ses conséquences. Emmanuel Macron ne se privera pas d’utiliser le même procédé. Sauf qu’il s’agira de L’Avenir en commun. Et certains événements tels que le possible parachutage de Taha Bouhafs dans le Rhône sont déjà utilisés. Cette stratégie pourrait permettre au président réélu de tirer les marrons du feu.

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En utilisant la peur d’une gauche radicale au pouvoir, il pourra transformer ses candidats en incarnation du vote utile, en rempart de la modération, voire de la démocratie. Un procédé susceptible de rencontrer un certain écho dans l’électorat LR et chez une partie non négligeable des électeurs PS et EELV qui restent attachés à une social-démocratie classique. De quoi lui permettre d’affaiblir encore davantage les deux partis traditionnels et d’attirer vers lui des responsables socialistes voire écologistes qui ne se reconnaissent pas dans la nouvelle ligne de leur parti. En somme, Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron peuvent sourire.

Le premier devient le chef incontournable de la gauche, soumet les autres partis et devrait augmenter son nombre de sièges, tout en en laissant certains à ses nouveaux alliés (ou obligés). Emmanuel Macron, pour sa part, a utilisé durant cinq ans la menace de l’extrême droite comme une assurance vie. Désormais, grâce à LFI, il en possède une seconde.

Lucas Jakubowicz

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