Le phénomène de métropolisation que l’on croyait pantelant, du fait, notamment, du désir champêtre de populations urbaines confrontées à l’enfermement, regonfle, malgré une attention encore trop théorique vis-à-vis des territoires. Les récentes déclarations d'Emmanuelle Wargon au sujet des maisons individuelles tendent à nourrir la dichotomie entre métropoles et provinces, une équation loin d'être résolue.

"Le modèle du pavillon avec jardin n’est pas soutenable et nous mène à une impasse". C’est en ces termes qu’Emmanuelle Wargon, ministre chargée du logement, s'est exprimée lors d’un discours, une déclaration inattendue lorsque son propre ministère estime qu’habiter une maison individuelle est le rêve de trois quarts des Français. Si la ministre est depuis revenue sur ses propos, c’est avant tout parce que ce qui est aujourd’hui considéré comme une maladresse par certains, une aberration par d’autres, n’est pas seulement un pied de nez à un peuple dont la seule volonté serait d’acquérir une maison mais constitue l’illustration d’un phénomène qui continue de prendre de l’importance malgré les alertes diverses : l’hypermétropolisation.

L’irrésistible urbanisation  

Malgré les témoignages multiples de citadins accablés, l’urbanisation devrait, selon toute vraisemblance, se poursuivre, en dépit de la pandémie et des pulsions rurales des Français. Les grandes villes européennes continueront de se densifier, à différents degrés. Une densification dramatique à plusieurs égards, comme le dénonce Jean-Christophe Fromantin : “Je vois les limites d’un système d’hypermétropolisation. Lorsque les gens n’arrivent plus à se loger parce qu’on les a trop concentrés et que ça participe à faire monter le coût de l’immobilier dans des proportions incroyables, des déséquilibres se créent”. A défaut de services publics stables ou d’infrastructures viables, les territoires, souvent glorifiés par nos politiques, se retrouvent vidés au profit des métropoles, terres d’emploi et de réussite, de pollution et d’inégalités. Selon Pascal Boulanger, président de la Fédération des Promoteurs Immobiliers (FPI) : “Les Français sont attentifs à des critères incontournables : le travail, la qualité des écoles, l’offre culturelle, la santé... Plus la ville est grande, plus elle est en mesure de regrouper ces atouts. Si mouvement il devait y avoir, il ne se généraliserait pas à toutes les villes moyennes, mais au petit nombre d’entre elles qui sont réellement attractives”.  

Pouvoir théorique, impuissance pratique 

La politique, dans sa définition la plus utopique, qui s’affranchit des jeux de pouvoirs visant à se l’approprier, a trait au collectif voire à l’intérêt commun. Jean-Christophe Fromantin, maire de Neuilly-sur-Seine, la définit d’ailleurs ainsi : “Quand on fait de la politique, il faut partir de cette idée : où est-ce que les Français veulent vivre ? Faire de la politique sans avoir comme souci de bâtir les conditions pour que chaque Français vive là où il en a envie n’a aucun sens.” Après que l’accès à la propriété, symbolisé par une maison individuelle, un jardin fleuri et une éventuelle piscine, a été inscrit dans les têtes de chacun comme l’accomplissement d’une vie, et à l’instar du matraquage pro-diesel jadis, l’heure est à la métropolisation et à la voiture électrique. Le maire de Neuilly-sur-Seine porte même plus loin son développement : “Si vous expliquez aux citoyens que l’avenir est aux métropoles alors qu’ils rêvent de vivre à la campagne, vous créez une tension, comme celle qui a stimulé la crise des Gilets jaunes”. Emmanuelle Wargon préfère prendre le contrepied de ce constat estimant que “la préoccupation écologique n'est pas la seule puisque d'un point de vue social les lotissements ne permettent pas toujours à leurs habitants d'accéder à des services de proximité, donnant parfois naissance à un sentiment d'exclusion - comme la crise des Gilets jaunes l'a démontré”. Une déclaration qui confinerait au burlesque si elle avait la main sur les questions relatives au logement en France.

Alban Castres